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Contagion flamande bienvenue ! Histoire d’un bio-monitoring qui se fait désirer...
par Véronique Paternostre - 18 juin 2008

Entre 2002 et 2006, la Flandre a analysé auprès de 4.458 personnes la présence d’un certain nombre de substances toxiques dans le corps humain.
Ce projet crée ainsi un réseau de données sur l’exposition du corps humain à des substances polluantes et les liens possibles sur la santé. Des analyses ont permis notamment de constater que le milieu rural est fort affecté par la pollution en regard du milieu urbain, probablement à cause de l’incinération des déchets à domicile et de l’usage de pesticides dans les maisons et terrains avoisinants...
Qu’attend-on pour étendre pareille initiative à l’ensemble des Belges ?

L’objectif du gouvernement flamand était d’avoir les éléments nécessaires à la prise d’initiatives politiques en matière d’environnement et de santé.
Heureuse et intelligente initiative qui se devrait de s’étendre à l’ensemble de la Belgique.
Du statut de « promesse » à sa récente promotion comme « mesure prioritaire avec large consensus » lors du Printemps de l’environnement de ce mois de mai 2008, cette démarche progresse... progressivement !

Méthodologie

Dans le cadre de ce programme, trois groupes d’âge ont été choisis : jeunes mères et leurs nouveau-nés (1196 mères), adolescents âgés de 14 à 15 ans (1679 personnes) et adultes de 50 à 65 ans (1583 personnes). Ce sont des analyses de cordon ombilical, sang et urines qui ont été réalisées avec un nombre restreint de biomarqueurs d’effets et d’exposition (cadmium, plomb, dioxines, etc.). Les marqueurs d’effets concernent l’asthme et les allergies, le poids à la naissance (+taille et périmètre crânien), l’âge de la puberté, la fécondité, les fausses couches, l’âge de la ménopause et les risques et résurgences de cancer.

Huit sous-régions ont été définies. Elles sont caractérisées par des charges polluantes différentes et comprennent deux zones urbaines (Anvers et Gand), une zone de fruiticulture, une zone rurale et quatre zones industrielles (les ports d’Anvers et de Gand, un four de fusion de métaux non-ferreux, des industries chimiques et des incinérateurs). Les participants au biomonitoring devaient habiter la zone concernée depuis au moins 5 ans.

D’autres données ont été obtenues via les maternités et les centres de santé scolaire. Un questionnaire a été complété reprenant l’état de santé général et des données sur les allergies et l’asthme, la fécondité, la nutrition, le tabagisme, le degré de formation, la composition de la famille et certaines données socio-économiques des individus.

Enfin, il a été demandé aux participants d’apprécier les pressions sur leur environnement, les liens perçus avec leur état de santé et leur volonté de participer au débat santé-environnement.

Résultats

Les niveaux de polluants mesurés ne dépassent pas les normes actuelles et directives existantes. Par ailleurs, lorsqu’on étudie les régions suivant les différentes sources de polluants, on constate que les écarts à l’intérieur des régions sont beaucoup plus grands qu’entre les régions, ce qui signifie qu’il persiste des différences importantes que ce soit au niveau de pollutions locales, de comportements ou encore de caractéristiques métaboliques personnelles par rapport à l’absorption et à l’excrétion des polluants.

Comme attendu, les substances persistantes (bioaccumulables) sont plus présentes chez les personnes plus âgées… Le fait de vivre dans des zones différenciées affiche cependant des variations géographiques pour le Cd, Pb, PCB’s, dioxines, p,p’-DDE (sous produit du DDT) et HCB.

Les teneurs en benzène et HAP (mesurés sur base de métabolites dans l’urine) sont réparties de façon diffuse sur l’ensemble de la population. Les hydrocarbures chlorés sont en augmentation dans les zones rurales pour les trois tranches d’âge tandis qu’en zone de culture intensive de fruits, les concentrations en p,p’-DDE et HCB sont plus faibles chez les jeunes que chez les adultes ; ce qui est dû à l’utilisation élevée par le passé de certains pesticides (DDT…). Les riverains d’incinérateurs ne ressortent pas de façon globale par rapport à la moyenne rurale sauf si on commence à réduire la taille de l’échantillon considéré (en divisant les données par incinérateur).

Le milieu rural est fort affecté par rapport au milieu urbain comme en témoigne le tableau de synthèse ci-dessous. Une des principales causes évoquées est l’incinération des déchets à domicile et dans les fonds de jardins ainsi que l’usage de pesticides dans les maisons et terrains avoisinants.

En ce qui concerne le cadmium, les valeurs se sont révélées beaucoup plus élevées en Flandre que dans d’autres pays industrialisés, contrairement aux valeurs observées pour les organo-chlorés qui se sont avérées plus basses. Statistiquement parlant, on a établi que l’âge de la puberté était plus précoce chez les jeunes en milieu fruiticole intensif. Les mères avec des niveaux élevés de dioxine, PCB’s et HCB ont eu plus recours à des traitements pour la fertilité. Une corrélation a aussi été établie entre une augmentation du plomb dans le sang du cordon ombilical et une fréquence plus élevée de l’asthme chez la mère, et encore plus du rhume des foins. Les jeunes mères sont d’ailleurs plus sujettes à l’asthme en zone urbaine. Enfin, le plomb dans le sang semble associé à un retard de puberté chez les jeunes filles, surtout en agglomération.

Recherche de perceptions

La moitié des personnes adultes et un tiers des jeunes estiment qu’il existe des problèmes environnementaux dans leurs lieux de vie. Les adultes sont plus critiques quand ils habitent les zones portuaires ou lorsqu’ils sont riverains d’incinérateurs. Les jeunes identifient globalement les gaz d’échappement et la pollution de l’air comme les facteurs environnementaux les plus problématiques.
Chez les adultes, ce sont les plus instruits qui signalent le plus de problèmes mais chez la population plus jeune, c’est l’inverse qui se produit.
Au niveau des sources d’informations, et ce pour les trois tranches d’âge, les sources reconnues les plus fiables sont les médecins généralistes, les scientifiques et les ONG environnementales.

Un paradoxe reste cependant marqué entre la faible volonté de s’impliquer et l’importance accordée à la participation nécessaire de la population dans les politiques environnementales. De façon générale, le Flamand pense donc que la responsabilité ultime doit être assumée par le gouvernement, qui doit cependant prendre en compte la « voix » de la population.

Conclusions

La Flandre possède à présent, pour les trois groupes d’âges de référence, des valeurs mesurées de Cd, Pb, PCB’s, dioxines, HCP, p,p’-DDE, benzène et HAP dans sa population. Comme elle l’a précisé dès le départ, elle compte prendre ces résultats pour définir et cibler ses politiques en matière de santé environnementale. Ces résultats peuvent également être utilisés comme base pour des mesures répétées dans le temps qui permettront de suivre l’évolution de tendances (et les résultats des politiques menées…). Par ailleurs, ces résultats permettent des analyses plus locales et spécifiques en donnant des valeurs de référence déjà par sous-région.

En Région wallonne et en Communauté française, des initiatives ponctuelles de bio-monitoring ont déjà eu lieu. Cependant, sans une véritable bio surveillance d’envergure à l’image de ce qui a été réalisé en Flandre, il sera impossible d’avoir des valeurs de référence nationales suffisamment solides que pour permettre une évaluation de l’état de la situation, de son évolution et des spécificités locales méritant une plus grande attention.

Ce sera finalement peut-être grâce à un cadre européen (plus contraignant) et des recommandations de l’OCDE que nous parviendrons à la réalisation de ce projet !

En savoir plus :

Ensemble des résultats du Bio-monitoring en Flandre (en néérlandais)

Recommandations de l’OCDE

Cadre européen

Voir aussi :
Ces 4 et 5 novembre 2008 à Paris, Colloque européen sur la biosurveillance humaine
par Véronique Paternostre - 8 septembre 2008
« Des biomarqueurs à la biosurveillance humaine » comme instrument de soutien à la politique de santé environnementale. Organisé par l’InVS (...)
 
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