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Notre environnement - Pesticides - Comprendre
Réduire les pesticides en Wallonie : participez à la consultation publique !
par Lionel Delvaux - 10 mars 2013

L’élaboration d’un plan de réduction des pesticides constitue un enjeu véritable pour notre pays classé cinquième pays européen le plus dépendant aux pesticides. La Wallonie, à la suite du Fédéral, soumet son plan de réduction à la consultation du public. Ce premier plan est ambitieux pour les autorités publiques qui se passeront à terme de pesticides mais il se contente, pour le reste, de se conformer aux obligations légales et aux avancées fédérales.

Non pas un plan national mais des plans de réductions...

Quatre mois après la clôture de la consultation publique sur le second Plan Fédéral de Réduction des Pesticides, la Wallonie a initié la consultation sur son premier plan de réduction . Ces plans découlent de la Directive européenne instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable [1]. Celle-ci prévoit l’adoption d’un plan d’action national de réduction des produits phytopharmaceutiques ainsi que l’intégration dans les législations nationales de mesures tel la protection de l’eau, de la santé, l’instauration de la lutte intégrée...

Le retard pris par la Wallonie dans la gestion de ce dossier [2] a empêché l’organisation d’une consultation du public commune avec le Fédéral. L’absence de vision globale qui en résulte est dommageable pour la lisibilité de ce plan et la participation des citoyens à la consultation.

Le Fédéral, une longueur d’avance

Pro-actif, le Fédéral a adopté en 2006 un premier plan de réduction des pesticides et des biocides, en concertation avec les Régions. Sa mise en œuvre a permis de mettre de l’ordre dans la gestion et l’utilisation des pesticides. Les agréations entre usages particuliers et professionnels sont maintenant scindées. Cette scission permet de retirer du marché les produits les plus toxiques pour les usages par des particuliers et d’adopter la formulation et le conditionnement pour ces utilisateurs sans formation spécifique. Ce premier plan Fédéral organise également le système de licence professionnelle (phytolicence) qu’il faudra détenir pour pouvoir appliquer les pesticides à usage professionnel ainsi que pour vendre ou conseiller l’usage de pesticides. Ce système entrera en vigueur cette année. Il implique les Régions et Communautés, notamment pour le volet formation.

Un plan sans objectif quantitatif

À l’exception de l’utilisation par les pouvoirs publics qui sera interdite en 2019, le plan wallon ne se donne aucun objectif quantitatif de réduction contrairement au prescrit de la Directive. Il est essentiel à nos yeux de fixer des objectifs ambitieux de réduction de l’utilisation par les particuliers et pour le secteur agricole.

Pour les particuliers, l’utilisation de pesticide est essentiellement une utilisation d’agrément qu’il est envisageable de limiter strictement à terme. Dans les pays baltes par exemple, leur utilisation à des fins d’agrément n’est tout simplement pas « culturellement » envisagée... Une limitation de l’utilisation allant en ce sens pourrait progressivement être instaurée chez nous, sur base de l’existence d’alternatives ou d’un changement d’attitude. Le plan prévoit de nombreuses actions de sensibilisation qui n’ont de sens que si la publicité pour ces produits est interdite et l’étiquetage sérieusement revu. Une telle approche devrait être réalisée en concertation avec le Fédéral.

Pour l’utilisation par le secteur agricole, les marges de progrès sont importantes et atteignables. L’indice de fréquence de traitement, soit le nombre de traitements d’une culture à la dose agréée est un indicateur de la dépendance au pesticide des systèmes agricoles à l’utilisation des pesticides. Cet indicateur varie de 2,3 à 7,7 traitements en moyenne entre un agriculteur danois ou anglais. En Picardie [3], dans un contexte proche de l’agriculture wallonne plus de 10 % des exploitations encadrées dans l’objectif de réduire l’utilisation des pesticides s’approchent d’une réduction de 50 % des pesticides après quelques années et près de 30 % atteignent une réduction de plus de 35 %. Le niveau de réduction est d’autant plus facile que l’approche aborde aussi une révision plus large des systèmes tel l’introduction de nouvelles cultures, d’inter-cultures, etc. Un encadrement inspiré des principes de l’agro-écologie y contribuerait plus que certainement . Le plan n’a d’autre ambition que d’intégrer les critères a minima de la lutte intégrée pour se conformer à la directive sans aucune ambition en terme de réduction de la dépendance.

Le plan wallon vise les pesticides au sens large soit les produits phytosanitaires, les pesticides utilisés pour les cultures et les biocides utilisés pour lutter contre des ravageurs (insectes du bois, moustiques, ...). Il nous faut regretter que les mesures concrètes reprises dans le plan se limitent cependant assez souvent aux produits phytosanitaires.

Une attention sur l’exposition des citoyens

Le plan prévoit le suivi des intoxications aiguës et envisage également de suivre les intoxications chroniques. Il nous semble essentiel de réaliser ce travail et de cibler tant l’exposition aux biocides en milieu fermé que l’exposition aux pesticides agricoles auprès des riverains. Nous avons reçu de nombreux témoignages à ce sujet, les riverains se plaignant d’odeurs fortes après les traitements en champs. En France, les riverains de vignobles sont plus souvent atteints de maladies liées aux pesticides utilisés dans la vigne et sont plus exposés que les urbains (5 fois plus de traces de pesticides dans leur sang). Il est urgent d’évaluer également l’exposition des riverains chez nous. Les fréquences de traitement en pomme-de-terre et pommier/poiriers par exemple sont équivalentes à celles de la vigne.

Certaines avancées législatives pour cadrer l’usage par les pouvoirs publics

La Wallonie donne un rôle exemplatif aux pouvoirs publics qui devront se passer de pesticides d’ici au 1er juin 2019. Pour y arriver, ils devront justifier un plan de transition en 5 ans vers le « zéro phyto ». Il va sans dire qu’il s’agit d’un enjeu important puisque la contamination des eaux souterraines fut souvent associée à l’utilisation d’herbicides par les pouvoirs publics... S’il faut se féliciter de cet objectif, il nous semble essentiel d’assurer le suivi et le contrôle de sa mise en œuvre. En effet, certains usages à risque de pesticides sont interdits depuis 1984 mais en l’absence de contrôle cette législation est peu suivie. Certains pouvoirs publics utilisent encore un matériel inadéquat (lance à incendie, etc.) pour traiter aux herbicides des avaloirs en parfaite infraction avec les législations fédérales et régionales. Gageons que la phytolicence et l’obligation de mettre en œuvre ce plan de réduction amèneront les pouvoirs publics à prendre en charge ce problème. La Wallonie rejoindrait ainsi la Flandre qui atteindra cet objectif dès 2015.

Une protection des eaux de surface des pollutions agricoles insuffisantes

La Directive prévoit l’instauration de bandes tampon pour limiter la pollution des eaux de surface et protéger les écosystèmes aquatiques. L’implantation de bandes enherbées en bordure de cours d’eau constitue à ce titre une mesure essentielle pour limiter la pollution de l’eau et l’érosion. Moins de 15 % des berges sont aujourd’hui protégées par de tels dispositifs via les mesures agroenvironnementales. Ce seuil pourrait diminuer par manque de budget pour ces mesures adoptées sur base volontaire par les agriculteurs et financées par la région. En France, de telles bandes enherbées sont obligatoires depuis des années... Les traitements seront cependant interdits en Wallonie sur une largeur de 6 mètres, largeur qui pourra cependant être cultivée. Il va sans dire que sans réelle volonté de contrôle, cette mesure ne sera que rarement respectée et est strictement incontrôlable. Il s’agit ici d’un manque de volonté politique puisque même certains syndicats agricoles sont favorables à l’adoption de ces bandes. Espérons que l’on ne mette pas, comme pour les communes trente ans pour s’en rendre compte...

Appliquer le principe du pollueur-payeur

La Directive offre la possibilité d’instaurer une redevance sur les pesticides. L’utilisation des pesticides engendre en effet un ensemble d’incidences importantes directes et indirectes à la société. Ces effets vont des coûts liés aux analyses récurrentes de résidus imputées au secteur de l’eau (quand il ne s’agit pas de coût de dépollution de celle-ci !) à l’impact grave de ces molécules sur la santé, les écosystèmes et la biodiversité. Il nous semble donc nécessaire de renforcer la redevance qui se limite aujourd’hui à financer une infime proportion des coûts liés à l’utilisation des pesticides (essentiellement une rétribution de l’administration fédérale et quelques projets de recherche). Cette redevance devrait être renforcée et se baser non pas sur le poids de la molécule mais sur la dose agrée à l’hectare et sa toxicité. Il reste très regrettable que le plan n’envisage pas la contribution de la redevance pour financer la mise en œuvre du plan wallon ni ne l’envisage à terme...

La gestion des déchets

Si le secteur agricole a pris en charge la gestion des emballages, les emballages et fonds de bidons des autres utilisateurs aboutissent encore trop souvent dans l’environnement ou dans les poubelles PMC. Quand leur stockage à long terme dans les habitations ne contamine pas l’air intérieur. Ces pollutions présentent des risques qui sont peu voire pas gérés actuellement. Il nous semble essentiel de pouvoir y répondre en limitant l’accès de ces produits aux particuliers, en élargissant les possibilités de rapporter ces déchets auprès des vendeurs de pesticides et pas seulement dans les parcs à conteneurs et par des campagnes efficaces de sensibilisation. Le plan wallon se limite cependant essentiellement à ce dernier axe.

Vous trouverez le résumé du plan, l’intégralité du plan et la consultation sur le site qui lui est dédié :www.wallonie-reductionpesticides.be

notes :

[2Le plan national devait être rendu le 14 décembre 2012.

[3L’étude « Synthèse des données permettant l’évaluation de l’efficacité du plan ECOPHYTO en région Picardie » a permis d’organiser la compilation et l’interprétation des données d’IFT (Indice de Fréquence de Traitement) issues des démarches agroenvironnementales menées en région (MAE, dispositif 1000 parcelles, …) pour l’année 2010.

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