Carte blanche parue dans le journal Le Soir du 30 avril 2015.
Signataires
Christel Verhas, Directrice, Gezinsbond
Petra De Sutter, Professeur, Hopital Universitaire de Gand et Sénatrice Ecolo-Groen
Génon Jensen, Directrice Exécutive, Health and Environmental Alliance
Christophe Schoune, Secrétaire Général, Inter-Environnement Wallonie
Dany Jacobs, Secrétaire Général, Bond Beter Leefmilieu
Luc Hens, Professeur Emérite, membre du Conseil Supérieur de la Santé
Christophe Depamelaere, Docteur
Guido Verbeke, Docteur gynécologue, Ademloos
L’existence d’une influence des perturbateurs endocriniens sur notre santé et sur l’augmentation d’un nombre certain de maladies ne suscite désormais plus aucun doute. La perte de fertilité, l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, les troubles de l’apprentissage et de la concentration en sont les exemples les plus connus.
Malgre ces liens formellement établis dans plusieurs publications [1]
, l’action politique se fait attendre : depuis l’interdiction d’utilisation du Bisphenol A (BPA) dans les biberons par la Commission Européenne, plus aucune mesure visant à encadrer l’utilisation de ces substances et surtout, visant à les bannir de nos produits quotidiens n’a vu le jour. Les raisons de ce manque d’empressement à réduire le nombre de citoyens impactés tiennent essentiellement à un argument unique : le coût pour les entreprises de la substitution de ces substances par d’autres moins nocives. Lesquelles entreprises ne manquent pas de faire valoir les coûts prétendument faramineux que cette démarche représente pour elles.
Pourtant, la Commission Européenne a tort de s’arrêter à ces arguments, essentiellement pour deux raisons.
La première [2] a été publiée le mois passé dans le célèbre journal d’endocrinologie « Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism ». Cette analyse économique montre que l’exposition aux perturbateurs endocriniens coûte chaque année à l’Union Européenne la somme de 157 milliards d’euros – soit 1.23 % du PIB européen. Ce total inclut non seulement les coûts de soin de santé, mais aussi les « lost earning potential ». Ce montant pourrait s’élever à 270 milliards d’euros.
Pour réaliser cette estimation, les chercheurs ont adapté une méthodologie existante de l’Institut de médecine et ils n’ont intégré dans leur calcul que les maladies pour lesquelles les liens avec une exposition aux perturbateurs endocriniens sont sérieusement/ fortement établis, tant les coûts directs (coûts d’hospitalisation, « physician service », les infirmières à domicile, et autres coûts médicaux) que les coûts indirects (perte de productivité au travail, décès prématuré et « disability »).
La seconde raison est que l’industrie a une tendance récurrente à exagérer les coûts générés par la mise en œuvre de législation environnementale. Dans le cas du règlement REACH (enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des produits chimiques), les calculs réalisés pour le compte des représentants des industries allemandes et françaises indiquaient que des pertes d’emplois devaient être attendues (2,35 millions en Allemagne, 670.000 en France) ainsi qu’une perte de croissance du PIB (6.4% en Allemagne, 3.2% en France). L’étude française estimait également que les coûts pour l’industrie nationale seraient compris entre 29 et 54 milliards sur une période de 10 ans alors que, d’après les estimations de la Commission Européenne, les coûts de cette législation devraient être compris entre 2.8 et 5.2 milliards, sur une période de 15 ans [3] !!
Les résultats de l’étude de Trasande et al. illustrent l’importance économique de réduire l’exposition des citoyens aux perturbateurs endocriniens. Celle-ci passe par l’interdiction d’utilisation des substances identifiées comme perturbateurs endocriniens dans les produits de consommation courante. Les contenants alimentaires sont concernés, tous les comme les cosmétiques et les produits pesticides et les biocides. Dans ce dernier cas, le retard pris par la Commission Européenne pour définir les critères d’identification des perturbateurs endocriniens, est tout simplement inacceptable. Et les Etats-membres partagent ce constat puisqu’ils ont intenté une action devant la Cours Européenne de Justice.
Si la Commission Européenne porte une responsabilité forte dans ces tergiversations coûteuses, les Etats, donc les entités belges en ce qui nous concerne peuvent anticiper cette action et agir dans leurs domaines de compétences : réduction (voire interdiction dans certains cas) d’utilisation des pesticides, interdiction d’utilisation des perturbateurs endocriniens dans les contenants alimentaires, réduction de la pollution atmosphérique par le trafic routier, etc. Car au-delà de cette seule valeur économique, c’est également et essentiellement le droit de chaque citoyen de bénéficier d’un environnement sain qui devrait guider l’action politique… et l’amener à agir sans tarder.
Signataires
Christel Verhas, Directrice, Gezinsbond
Petra De Sutter, Professeur, Hopital Universitaire de Gand et Sénatrice Ecolo-Groen
Génon Jensen, Directrice Exécutive, Health and Environmental Alliance
Christophe Schoune, Secrétaire Général, Inter-Environnement Wallonie
Dany Jacobs, Secrétaire Général, Bond Beter Leefmilieu
Luc Hens, Professeur Emérite, membre du Conseil Supérieur de la Santé
Christophe Depamelaere, Docteur
Guido Verbeke, Docteur gynécologue, Ademloos