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Vie active - Transports - Comprendre
Santé urbaine, quand la ville fait mal aux hommes

Une stimulante réflexion sur la « santé urbaine », au croisement de la santé environnementale et de l’urbanisme, proposée par Albert Levy, architecte, urbaniste et chercheur français et publiée sur libération.fr.

La pollution atmosphérique qui revient régulièrement dans nos villes, avec ses pics alarmants, n’est pas un phénomène naturel. La priorité donnée à l’urbanisme des réseaux et des flux, à l’hégémonie de l’automobile, aux énergies fossiles dominantes, éclatement des espaces bâtis, accélération du mode de vie, ségrégation sociospatiale. Tous ces choix urbanistiques, fondés sur le primat de la mobilité motorisée, ne sont pas sans conséquences sanitaires sur la population. Ils ont produit une forme urbaine caractérisée par l’opposition centre - périphérie et surtout par la périurbanisation et l’étalement urbain. Si la ville-centre, compacte, reste la forme idéale de ville durable, elle devient vite un piège mortel pour la santé lorsqu’elle est livrée à l’automobile. La circulation induite par la périurbanisation et ses mouvements pendulaires entre centre et périphérie ainsi que la pollution industrielle sont à l’origine de graves altérations de l’environnement qui menacent la santé. Parmi lesquelles la pollution de l’air, mais aussi la perturbation du climat et enfin les nuisances sonores et leurs effets pathologiques, touchant surtout les personnes vivant à proximité des grandes infrastructures de transport et de circulation.

La première inégalité territoriale touche les habitants du périurbain qui représentent plus de la moitié de la population urbaine. Quel lien social peut se créer dans ces territoires à l’urbanisation diffuse, inaccessibles sans voiture et où se répandent des formes particulières de souffrance mentale ?

Une autre grande inégalité réside dans le mal-logement. Que l’on peut définir d’une façon générale par la mauvaise localisation, les matériaux de construction toxiques, la médiocre isolation thermique et phonique, la qualité de l’air intérieur. Mais aussi par la suroccupation, l’inadéquation des espaces qui sont à l’origine de bien des problèmes psychiques et d’échecs scolaires. Sans oublier l’impact du taux d’effort locatif sur le budget des familles modestes, au détriment des dépenses de soin.

Il y a une loi que les responsables politiques ne doivent pas ignorer : plus un pays est socio-économiquement inégalitaire, plus les problèmes de santé - et de violence - sont aigus, comme l’illustre le cas des Etats-Unis. Ces inégalités, qui se manifestent par des inégalités territoriales (quartiers défavorisés et violence urbaine), des inégalités professionnelles (différence d’espérance de vie selon les CSP) ont un coût croissant pour la santé publique.

Nous sommes dans une période de transition épidémiologique. Les maladies dites chroniques (cancers, maladies cardio-vasculaires et respiratoires, asthme, allergies, obésité, diabète, souffrances mentales, baisse de fertilité masculine) prennent le pas sur les maladies infectieuses. Ces maladies, dites de « civilisation », résultent de la dégradation généralisée de notre environnement de vie. Ces maladies chroniques, appelées également « non transmissibles », connaissent, paradoxalement, une véritable épidémie dans le monde. En France, en 1994, on comptait 3,7 millions de personnes souffrant de ces affections longue durée (ALD), elles sont passées à 11 millions (l’âge moyen des malades est de 61 ans, elles ne sont donc pas des maladies de la vieillesse, et si l’espérance de vie a augmenté, on vit aussi plus longtemps malade et dépendant). De 50% en 1994, les dépenses engendrées par ces nouvelles pathologies représentent 75% des remboursements de l’assurance maladie. Cette explosion des dépenses de santé a fait dire à Margaret Chan, directrice de l’OMS (21 avril 2011) : « L’augmentation des maladies chroniques non transmissibles représente un énorme défi. Pour certains pays, il n’est pas exagéré de décrire la situation comme une catastrophe imminente pour la santé, pour la société, et surtout pour les économies nationales. » Mais le redressement de la sécurité sociale ne peut se faire que par des mesures d’économie uniquement, comme le préconise la Cour des comptes (chirurgie ambulatoire à développer, labos de biologie à concentrer, permanence des soins à restructurer, hospitalisation à domicile à multiplier, hôpital à réformer, mutuelles étudiantes à réviser). Tout ne pourra venir non plus de l’innovation technologique, un changement de paradigme s’impose : passer d’une politique centrée sur les soins à une action plus orientée sur les causes et sur la prévention. Si la médecine conventionnelle a fait des progrès fulgurants en s’orientant vers le tout biomédical, le tout pharmacologique, le tout technologique, le tout curatif, elle a délaissé la santé environnementale, trop complexe, parce que combinant plusieurs facteurs (génétiques, biologiques, socio-économiques, environnementaux).

On a pris conscience que la dégradation de l’environnement nuit gravement à la santé : pollutions et substances chimiques toxiques qui ont envahi notre quotidien, sont, en grande partie, à l’origine de l’extension des maladies chroniques. Mais l’environnement, à prendre en compte, ne peut se réduire aux milieux « naturels » uniquement (air, eau, sol, flore, faune). Il faut inclure, d’une part, l’environnement construit (le contexte bâti, physique, où s’effectuent les interrelations entre espaces, individus, groupes), et d’autre part, l’environnement socio-économique et culturel (le cadre urbain, quotidien, où se déroulent les interactions sociales entre individus, entre groupes). De plus, l’environnement doit être également saisi dans une perspective dynamique et confronté au développement : l’avenir d’une société dépendra de sa capacité à gérer ses ressources, à préserver son patrimoine, à protéger son environnement, à adapter ses usages et ses espaces aux changements, à trouver des nouveaux rapports avec la nature. Intégrer le temps à l’action : c’est toute la problématique du développement durable.

Nous devons interroger l’urbanisme actuel, responsable de la dégradation des milieux, qui a produit cet environnement physique et social pathogène, et pour ce faire appréhender l’environnement urbain, dans sa globalité, comme un facteur de risque, un facteur d’exposition, un facteur potentiel d’altération (mentale, physique) de la santé. La « santé urbaine », aujourd’hui en question, a pour tâche de diagnostiquer les causes et les mécanismes par lesquels la ville, dans son organisation et son fonctionnement, affecte la santé, en proposant des solutions (urbanistiques) alternatives. L’urbanisme durable, aujourd’hui, en gestation, devrait mieux intégrer la dimension sanitaire dans ses objectifs.

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