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Vie active - GSM - ondes électromagnétiques
Ondes électromagnétiques : certitudes scientifiques et zones d’ombre
par Virginie Hess - 8 juillet 2010

Dans un rapport publié en octobre 2009, l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail) conclut qu’il n’existe à ce jour « aucune preuve convaincante d’un effet biologique des radiofréquences mais évoque cependant les zones d’ombre des connaissances scientifiques en la matière ».

Ce travail, commandité en 2007 par les Ministres en charge de la santé et de l’environnement a été réalisé par un groupe d’experts pluridisciplinaires, au sein duquel se trouvait également un observateur du milieu associatif. L’objectif de cette recherche collective consistait à actualiser le dernier avis de l’AFFSET, sur base notamment d’une mise à jour des connaissances scientifiques en la matière, et de l’étendre à l’ensemble du domaine des radiofréquences.

Outre les débats qu’elle soulève au sein du monde scientifique concernant la question des éventuels effets sanitaires, la problématique de l’exposition aux radiofréquences fait également l’objet d’une controverse publique qui mobilise des arguments scientifiques, éthiques et économiques et qui pose donc de manière plus générale la question de la bonne gouvernance. Afin d’aborder la problématique de manière globale, l’étude de l’AFFSET, et c’est sans doute là que réside sa plus grande originalité, s’est penchée tant sur les aspects physiques, biologiques, cliniques, sanitaires que sur les dimensions psychologiques, sociales et politiques des questions associées aux radiofréquences.

Des mutiples facettes de cette étude, nous retenons une série de constats et de recommandations qui nous semblent constituer une avancée significative en termes de prise en compte du principe de précaution.

Effets sanitaires des radiofréquences : le point

Bien qu’il confirme, en l’état actuel des connaissances, l’absence d’effets sanitaires liés aux portables ou aux antennes-relais, le rapport reconnaît pour la première fois les incertitudes scientifiques qui planent dans le domaine. En effet, malgré le fait que la plupart des données épidémiologiques issues de la recherche n’indiquent pas d’effets à court terme de l’exposition à ces ondes, « des interrogations demeurent pour les effets à long terme, même si aucun mécanisme biologique analysé ne plaide actuellement en faveur de cette hypothèse ». En outre, de nombreuses études présentent des lacunes méthodologiques et ne permettent dès lors pas de tirer des conclusions définitives.
Parmi ses recommandations, le groupe de travail insiste donc sur l’importance de veiller à la qualité méthodologique des études menées et sur la nécessité de poursuivre les recherches, en donnant la priorité aux études épidémiologiques, à celles concernant le développement de l’enfant et à celles portant sur les milieux professionnels (où le seuil d’exposition est souvent plus élevé qu’ailleurs). En outre, il préconise la reproduction de certaines études qui, dotées d’une méthodologie correcte, ont mis en évidence des effets ponctuels des radiofréquences sur la santé.
Comme l’exprime avec satisfaction l’association France Nature Environnement FNE « c’est la première fois en France qu’un organisme officiel rend un avis qui prouve qu’il existe des études sérieuses qui donnent des signaux d’alerte ». Et le porte-parole de FNE de rajouter : « ce rapport permet de mettre les politiques devant leur devoir : appliquer le principe de précaution ».

Une partie du rapport est également consacrée à l’hypersensibilité électromagnétique, dorénavant reconnue officiellement comme un handicap. Bien qu’il n’existe, selon le groupe de travail, aucune preuve scientifique d’une relation de causalité entre l’exposition aux radiofréquences et ce phénomène, « personne ne peut contester aujourd’hui la réalité du vécu des personnes qui attribuent leurs symptômes à l’exposition aux radiofréquences ». Les experts recommandent donc la mise sur pied d’un outil de diagnostic clinique de l’hypersensibilité électromagnétique ainsi que le suivi et la prise en charge des sujets concernés.

Autre élément particulièrement intéressant du rapport, l’allusion au manque de partialité de certains chercheurs. Le groupe de travail insiste en effet sur la « nécessaire indépendance des experts et des équipes de recherche impliqués sur cette thématique ». Il va même jusqu’à recommander « le financement des travaux de recherche par une structure garantissant l’indépendance et la transparence des études menées ».
Enfin, le rapport propose la mise en place d’une structure permanente « associant l’ensemble des parties prenantes, assurant le suivi des connaissances en matière d’effet des radiofréquences et l’organisation de rencontres de travail régulières entre les scientifiques de toutes disciplines associés à la question ».

Pour une population moins exposée…

Bien qu’à ce jour, les résultats sur les niveaux d’exposition de la population soient généralement inférieurs aux limites d’exposition réglementaires et même régulièrement très en-dessous de ces valeurs limite, il existe des lieux pour lesquels des niveaux d’exposition « atypiques » ont été observés, principalement dans le cadre professionnel. En outre, le rapport affirme que « l’évolution très rapide des technologies et des systèmes de télécommunications sans fil et leur utilisation intensive par la population nécessite une adaptation progressive des normes et des protocoles d’évaluation de ces niveaux ». Il précise également que, « concernant les réseaux de téléphonie mobile, l’ensemble des études analysées confirme la complexité de la répartition des niveaux d’exposition autour des antennes de stations de base. Cette complexité est due notamment à la grande variabilité des signaux, à la position et à la directivité des antennes ainsi qu’à la présence d’obstacles ; l’estimation de l’exposition du public nécessite donc de prendre en compte l’ensemble de ces paramètres [1] ».
Enfin, le rapport rappelle que l’intensité d’exposition liée aux téléphones portables reste très prédominante par rapport à celle due aux antennes relais.

Face à l’ensemble de ces constats, le groupe de travail recommande de mieux évaluer la réalité de l’exposition des personnes, en tenant compte, notamment, de l’ensemble des sources de rayonnements. En adoptant une norme globale de 3V/m, la Région bruxelloise s’est déjà engagée sur cette voie, contrairement à la région wallonne qui a préféré adopter une norme relative (3V/m par antenne).

Le rapport préconise également de mettre en œuvre des solutions techniques pour limiter ces expositions, en particulier sur les téléphones portables. Là encore, notre pays a une longueur d’avance sur nos voisins français puisque la commission Santé de la Chambre a adopté, en février dernier, une résolution visant à mieux protéger la santé des citoyens contre les risques liés à la pollution électromagnétique. Ce texte prévoit notamment la mise en évidence de la mention du SAR/DAS (puissance de l’appareil exprimée en W/kg) sur les emballages sur les équipements quotidiens (GSM, le DECT, WI-FI), dans les documents d’information et publicitaires et dans les lieux de vente.

Concernant les antennes-relais, le groupe de travail recommande de réfléchir aux conséquences d’une réduction du niveau d’exposition en termes de multiplication du nombre d’antennes et d’augmentation possible de l’exposition de la tête aux radiofréquences émises par les téléphones mobiles. Elle préconise cependant de cartographier les « points noirs », là où les émissions sont nettement plus élevées que la moyenne - et de les réduire en se fondant sur les « meilleures technologies disponibles à des coûts acceptables ».

Des conclusions à relayer haut et fort chez nous !

De nombreuses recommandations émises dans ce rapport sont portées depuis bien longtemps par une série d’associations du Nord et du Sud de la Belgique, militant activement pour une meilleure prise en compte des impacts sanitaires des ondes électromagnétiques. On retrouve également de nombreuses similitudes entre les constats tirés de cette étude collective et les messages portés par le Fédération Inter-Environnement Wallonie en la matière. Parmi les points de convergence, citons notamment la diminution de l’exposition de la population aux radiofréquences, la poursuite des études épidémiologiques (notamment sur des populations particulièrement exposées) et la prise en compte de certains résultats qui attestent de la présence d’effets sur la santé, la sensibilisation du public sur les dangers des rayonnements, et particulièrement ceux émis par les GSM et la question des effets des ondes électromagnétiques sur les enfants.

Ce rapport de l’AFFSET constitue, nous l’espérons, une nouvelle étape dans la prise en compte, par les différents acteurs, des impacts sanitaires des radiofréquences. Pour la première fois en effet, un organisme officiel reconnaît l’incertitude qui règne autour de la question notamment concernant les effets à long terme sur la santé des populations.

Les politiques sauront-ils entendre ces avertissements et prendre enfin les mesures qui s’imposent ? Nous n’hésiterons pas, s’il le faut, à leur mettre ce rapport sous le nez et à les inviter à prendre leur responsabilité.

Pour en savoir plus :

Le rapport de l’AFFSET

La note de synthèse

notes :

[1Expertise collective : synthèse et conclusions – Mise à jour de l’expertise relative aux radiofréquences, AFFSET, Octobre 2009, p.396.