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Et l’aspect social ?
Les quartiers défavorisés ne sont pas toujours les plus pollués
- 19 octobre 2012

Le Monde, un article de Paul Benkimoun

Pourquoi, après avoir fortement diminué en France entre 1985 et 2000, la mortalité périnatale a-t-elle retrouvé des niveaux comparables à ceux observés en 1985 ? Pour répondre à cette interrogation, une équipe de chercheurs de l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), membres de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset) a monté depuis trois un programme intitulé Equit’Area pour « établir les relations entre certaines nuisances et pollutions environnementales et les inégalités sociales de santé, en vue de mieux les prévenir. »

Surprise : les premiers résultats montrent que les idées établies ou intuitives selon lesquelles les plus pauvres habitent dans les quartiers les plus pollués n’ont pas toujours cours dans la réalité. « La distribution spatiale des nuisances environnementales et de la défaveur socioéconomique est un fruit de l’histoire urbaine et sociale propre à chaque contexte. Toute extrapolation générale est hasardeuse », observe le professeur Denis Zmirou-Navier, coordonnateur, avec Séverine Deguen, de ce projet.
Centrées sur les agglomérations de l’Ile-de-France, de Lille, de Lyon et de Marseille, les premières cartes ont été mises en ligne sur le site www.equitarea.org. Elles seront complétées au fur et à mesure par d’autres données dans les semaines à venir.

« Nous avons voulu mettre à la disposition des acteurs locaux des données à un niveau beaucoup plus fin, celui des quartiers, que ce qui existait jusqu’ici sur les facteurs expliquant la conjugaison de la mortalité infantile et de la pollution atmosphérique, des nuisances sonores et de la proximité d’industries polluantes », explique M. Zmirou-Navier.

« Dans le sud-est de l’agglomération lyonnaise, nous retrouvons à la fois une mortalité infantile accrue et des niveaux de pollution atmosphérique supérieurs », cite le chercheur. A Paris, en revanche, « en dehors du périphérique, la pollution par le dioxyde d’azote prédomine dans les quartiers riches », détaille-t-il.

QUITTER LA VILLE LE WEEK-END

Le cas parisien rappelle celui de Rome, indique Denis Zmirou-Navier, où des quartiers du centre-ville sont « hors de prix » et présentent une pollution plus importante. « La différence avec les quartiers défavorisés exposés à la pollution est que les habitants plus aisés sur le plan socio-économique peuvent s’adapter et se soustraire plus facilement aux effets nocifs en quittant la ville le week-end ou en pratiquant des activités physiques. C’est ce qui explique le paradoxe apparent : malgré une plus grande exposition à la pollution due au trafic routier, la mortalité des classes supérieures est inférieure à celle des classes plus défavorisées », souligne Denis Zmirou-Navier.

L’équipe d’Equit’Area n’a pas encore exploité la totalité des données sur les nuisances sonores pour les croiser avec celles concernant la mortalité périnatale. La relation entre les deux peut ne pas paraître aller de soi, mais des chercheurs néerlandais ont montré que l’exposition à ce type de pollution sonore est source de souffrance en fin de grossesse (stress, difficultés d’endormissement...) et de naissances prématurées.

Les responsables du projet français ont lancé un appel d’offres afin d’ajouter des données de suivi pour d’autres polluants, en particulier sur les microparticules en suspension dans l’air.

Le travail accompli dans le cadre du projet Equit’Area a pour ambition de comprendre comment se conjuguent les facteurs environnementaux et les facteurs socioéconomiques. Mais il se veut aussi « un levier pour la décision et pour le débat démocratique », insiste le chercheur.