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Vignes/pesticides : travailleurs et riverains trinquent !! - Santé Environnement
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Notre environnement - Pesticides - Comprendre
Vignes/pesticides : travailleurs et riverains trinquent !!
par Alain Geerts - 19 février 2013

Initiative instructive que cette enquête sur le taux de contamination par des pesticides des viticulteurs et des riverains de vignobles menée par l’association française Générations futures, spécialiste des effets des produits phytosanitaires sur la santé et l’environnement, qui s’est appuyée sur les données du laboratoire d’analyses Kudzu Science et la collaboration de Marie-Lys Bibeyran travailleuse du secteur, dont le frère est décédé d’un cancer en 2009. Même s’il ne s’agit que d’un premier « sondage », les résultats sont édifiants. Et la relative simplicité de la procédure mériterait que ce type d’initiative soit largement répandues aussi bien dans le domaine viticole que dans les autres secteurs de l’agriculture encore trop dépendantes des pesticides, notamment les pommes de terre chez nous en Wallonie.

La France reste le premier utilisateur de pesticides en Europe avec 62700 tonnes de substances actives vendues en 2011. Malgré le lancement du plan Ecophyto en 2008, et l’objectif affiché de réduction de 50% des pesticides en 10 ans ainsi que l’exclusion des substances les plus dangereuses, la consommation de pesticides (NODU) a augmenté entre la période de 2009-2010 et la période 2010-2011 de 2.7% (1) et les professionnels, comme les amateurs ou les consommateurs, sont toujours exposés à des substances pouvant être perturbatrices du systèmes endocrinien, des neurotoxiques ou encore des cancérigènes possibles. Avec 783 milliers d’hectare en 2011, la vigne représente 3.7% de la Surface Agricole Utile mais elle consomme à elle seule environ 20% des pesticides (en masse) dont une majorité de fongicides (80%).

L’enquête APAChe

(Analyse de pesticides agricoles dans les cheveux)

Forts de ces éléments, Générations Futures et Marie-Lys Bibeyran, une salariée agricole, ont décidé de mener une enquête dont l’objectif était de répondre à la question « Est-ce que les salariés viticoles, qui ne pulvérisent pas les pesticides, mais travaillent dans les vignes et les riverains des vignes sont contaminés par les pesticides viticoles ? ». Ainsi, entre mi-octobre et mi-novembre 2012, ils ont prélevé et fait analyser par le laboratoire Kudzu Science les mèches de cheveux de 25 personnes (15 salariés viticoles du bordelais, 10 non-salariés viticoles dont 5 riverains des vignes du bordelais et 5 « témoins » vivants loin des vignes) afin de mettre en lumière la présence ou non de résidus de pesticides viticoles.

Des résultats préoccupants.

Même si, comme le reconnaissent les auteurs, l’enquête ne prétend pas être représentative de l’exposition moyenne des travailleurs viticoles et des riverains de vignes françaises, les résultats ont permis de mettre en évidence ce que l’on pouvait craindre :

- 11 fois plus de résidus de pesticides en moyenne chez les salariés viticoles que chez les non professionnels habitant loin de vignes (6,6 pesticides en moyenne contre 0.6) !
- 4 des 15 salariés viticoles présentent 10 pesticides différents !
- 5 fois plus de résidus de pesticides en moyenne chez les non-professionnels de la vigne habitants près des vignes que ceux habitant loin des vignes (3 résidus de pesticides en moyenne trouvés chez les premiers contre 0,6 pour les seconds).
- 74 % des pesticides actuellement autorisés sur vigne de la liste, établie pour l’enquête, et recherchés ont été retrouvés au moins une fois chez les personnes testées !
- Un produit interdit, le diuron, a été retrouvé chez un professionnel.
- Plus de 45% des molécules retrouvées sont classées cancérigènes possibles en Europe ou aux USA !
- Plus de 36% des molécules retrouvées sont suspectées d’être des perturbateurs endocriniens (PE).

Sortir les victimes de l’anonymat

Marie-Lys Bibeyran ne fait pas mystère de ses motivations personnelles : son frère, Denis, est décédé brusquement d’un cancer en octobre 2009. Il était salarié agricole et exploitait deux hectares de vigne. Avant de mourir, il avait évoqué ses soupçons quant à l’impact sur son état des pesticides qu’il utilisait.

Depuis 2011, Marie-Lys Bibeyran, elle-même saisonnière, s’est lancée dans un long parcours d’obstacles juridico-administratifs afin d’obtenir la reconnaissance de ce cancer en tant que maladie professionnelle. Elle a rejoint l’association Phytovictimes et s’est engagée aux côtés de Générations futures. C’est elle qui a trouvé des riverains prêts à participer à l’enquête. Les travailleurs des vignobles ont été plus difficiles à convaincre. Même en garantissant l’anonymat.

« Ils ont du mal à envisager que leur travail puisse avoir un tel impact, témoigne-t-elle. Après les vendanges, c’est une pulvérisation tous les quinze jours minimum. Surtout le Round Up. » Elle espère que l’étude permettra une prise de conscience : « Le danger est sous-estimé. Mon frère n’était pas le seul à avoir des saignements de nez. »
Madame Bibeyran s’inscrit ainsi dans la salutaire mouvance d’autres victimes de pesticides dont une des figures emblématiques reste Paul François aujourd’hui connu pour son procès gagné l’an passé contre Monsanto.

Ce type d’enquête, relativement simple et donc abordable financièrement a l’immense mérite de rappeler clairement, éléments tangibles à l’appui, qu’il est plus qu’urgent d’investiguer beaucoup plus largement sur l’effet des pesticides tant sur les travailleurs des secteurs agricoles que sur les populations riveraines de champs traités. Nous avons par exemple vu se développer en Région wallonne des surfaces importantes de pommes de terre, tubercules bien connu pour l’importante quantité de pesticides utilisés pour sa culture : une investigation semblable devrait être menée.

Télécharger le rapport complet.