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Va-t-on enfin « cadrer » l’amiante ?
par Alain Geerts - 8 mai 2013

Que certains Etats et industries, au nom des intérêts économiques privés, se désintéressent totalement de la santé publique est certes connu. Mais que cela se passe relativement à une substance unanimement (et scientifiquement) reconnue comme mortelle - l’amiante -, qui fait plus de cent milles victimes par an (c’est l’OMS qui le dit) et dont des producteurs (très peu) ont été condamnés en justice laisse pantois... Quant aux familles de victimes, elles ne peuvent qu’être écoeurées. Mais leur lutte continue. Sera-t-elle enfin couronnée de succès ?

lemonde.fr nous informe ce mercredi 8 mai que des associations de victimes de l’amiante se mobilise à Genève où se tient jusqu’au 10 mai la 6e conférence des parties de la convention de Rotterdam. De quoi s’agit-il ?

Adoptée en 1998 et entrée en vigueur en 2004, la convention de Rotterdam, ratifiée par 152 pays ou « organisations régionales d’intégration économique », institue l’obligation pour exporter certaines substances chimiques, d’obtenir le consentement préalable du pays importateur une fois qu’il a été dûment informé des dangers pour la santé humaine ou l’environnement liés à ces produits. C’est ce qui est appelé la procédure « PIC » (Prior Informed Consent).

Les substances concernées sont inscrites à l’annexe III de la Convention. Leur liste comprend à ce jour 43 produits chimiques dont 32 pesticides (dont quatre sont des préparations considérées comme extrêmement dangereuses) et 11 produits chimiques industriels. Parmi ces derniers figurent les différentes formes d’amiante à l’exception de l’amiante chrysotile, « qui représente 100% du commerce mondial de l’amiante aujourd’hui et 95% de l’amiante commercialisé depuis un siècle dans le monde ». Pour plus d’information sur les dangers de l’amiante, consultez les articles de votre site sante-environnement.be.

Vous conviendrez que nous sommes, avec cette Convention, loin d’une interdiction de ces produits très dangereux. L’inscription d’une substance comme cet amiante chrysotile ne devrait donc pas poser de gros problèmes. Pourtant...

La règle en vigueur pour l’inscription d’un produit à l’annexe III impose, comme le précise l’excellent article du Monde, l’unanimité des parties à la Convention. Le Canada, qui jusqu’à il y a peu, était un grand exportateur d’amiante, avait opposé son veto à quatre tentatives précédentes d’inscrire l’amiante chrysotile, comme le recommande l’organe scientifique de la Convention. « Le Canada, qui ne produit plus et n’exporte plus d’amiante, n’a plus d’intérêt commercial à défendre. Il a fait savoir qu’il ne s’opposerait plus à l’inscription ». Soulignons donc que l’intérêt commercial (privé) est un argument suffisant pour qu’un Etat (le Canada ici) sensé défendre les intérêts collectifs dont la santé de sa population, et qui fait l’hypocrite en adhérant à cette Convention ou pire, qui adhère à la Convention pour user de son droit de veto, use précisément de celui-ci.

Premier producteur et exportateur mondial, la Russie a pris le relais du Canada depuis qu’elle a à son tour adhéré à la convention de Rotterdam. Le Zimbabwe, qui souhaiterait rouvrir ses mines d’amiante, serait sur la même longueur d’ondes. « Cette attitude (...) est en train de préparer une nouvelle génération de victimes de l’amiante, alors qu’il n’y a aucun doute au plan scientifique sur les dangers de l’exposition à la fibre. C’est une nouvelle tragédie différée », s’insurgent les associations de victimes.

Nous le saurons d’ici le 10 mai, date de la fin de la Conférence...